mercredi 4 juillet 2012

Ashita no Joe (1968)

Pour chaque média, il existe des œuvres dont le succès et l'impact furent tels que nous pouvons encore en trouver des traces dans la production actuelle. Dans l'univers du manga, peu de séries peuvent se targuer d'avoir exercer une influence comparable à celle de Ashita no Joe, titre culte signé Asao Takamori et Tetsusya Chiba.
Nombre d'archétypes du shônen - le manga pour jeunes garçons - qui nous paraissent aujourd'hui évidents proviennent en réalité de Ashita no Joe, comme le héros orphelin, la figure du maître, ou le constant dépassement de soi.

Malgré sa renommée comme série de boxe, celle-ci commence comme un drame social, dans un Japon oublié par la reprise économique d'après-guerre. Nous y découvrons Tange Danpei, ancien champion de boxe désormais estropié et réduit à l'état d'ivrogne. Miséreux et sans volonté, il se découvre un nouveau rêve en la personne de Joe Yabuki, adolescent vivant de rapines et de petites arnaques, en qui il croit déceler le potentiel de devenir l'étoile de la boxe japonaise moderne. Mais celui-ci ne porte aucun intérêt au sport et à la compétition, et ne cherche qu'à amasser le plus d'argent possible.
Envoyé en maison de redressement suite à un énième délit, Joe y croise la route de Tohru Rikiishi, jeune champion de boxe. Une rivalité nait entre les deux garçons. Dès lors, Joe se lancera à corps perdu dans le combat, sous la direction de Danpei.

Le plus gros défaut de Ashita no Joe, c'est probablement son influence. Les élément qui, lors de sa publication, l'ont démarqué du reste de la production et ont fait son succès ont pour beaucoup été repris dans d'autres séries, et se retrouvent encore de nos jours. Ainsi, pour le lecteur actuel, ce manga ne paraitra pas spécialement original. Évidemment, ce n'est pas "juste" envers un tel pionnier ; mais pour l'apprécier pleinement, il faudrait se remettre dans le contexte de l'époque et oublier tous les manga publiés depuis. Ce qui n'est pas réalisable, à moins de découvrir les manga.

Heureusement, Ashita no Joe a su conserver quelques-unes de ses qualités propres. A commencer par son aspect dramatique, en particulier sur le début de la série. Surtout connu pour ses combats de boxe, le premier tome de l'édition Glénat surprend par son héros qui ne s'intéresse absolument pas à ce sport, et par la misère humaine qu'il dépeint, comme un instantanée d'une réalité japonaise loin des gratte-ciels et du modèle économique nippon. Intéressant sur le plan historique, il s'agit surtout d'une entame passionnante et poignante.

Le drame reste d'ailleurs une composante majeure de ce manga, qui ne se retrouve plus vraiment - ou alors sous une forme édulcorée - dans les shônen modernes. Quitte à finir brisés, les personnages luttent littéralement pour leur vie ; pour exister, mais aussi car ils ne possèdent rien d'autre que le combat.
Le résultat n'en devient que plus poignant. Une anecdote célèbre à propos de Ashita no Joe raconte comment, à la mort d'un des protagonistes, des lecteurs ont spontanément organiser un enterrement symbolique, ce qui au passage témoigne encore un peu plus de son impact sur les lecteurs.
L'autre point fort du manga reste la mise en page dynamique des combats, qui permet de les rendre toujours plus palpitants sans pour autant sacrifier leur lisibilité.

Ashita no Joe est un manga plein de fougue, de sang, et de sueurs. Un manga qui exalte des valeurs intemporelles comme le courage et la volonté de se surpasser quoi qu'il puisse arriver, mais qui prend racine sur un drame réel duquel les personnages veulent justement s'extirper, quitte à y laisser la vie. Malheur à ceux laissés sur le bord du chemin sur la route qui mène à la gloire.
Il n'aura pas aujourd'hui autant d'impact qu'il en avait lors de sa publication, tant son schéma a été depuis exploité jusqu'à la corde, que ce soit par des profiteurs ou tout simplement par des lecteurs profondément marqués par le titre. Reste un manga majeur dans l'histoire de ce média, dont la parution en France par Glénat est aussi appréciable qu'inespérée.

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