jeudi 12 juillet 2012

Prophecy (2012)

Cas atypique que celui du mangaka Tetsuya Tsutsui, qui fait écho à celui de son éditeur Ki-oon.
Ki-oon est à l'origine une petite maison d'édition, montée par deux passionnés débrouillards et persévérants, devenue depuis le principal éditeur indépendant de manga en France. En prospectant puis en proposant au public leurs propres coups de coeur, ils ont réussi non seulement à générer quelques bons succès commerciaux, mais aussi à se constituer une solide base de lecteurs fidèles. 
Leur première grosse pioche fût Tetsuya Tsutsui, mangaka qu'ils ont découvert avant même qu'il ne signe avec un éditeur japonais, et auteur de plusieurs titres percutants largement plébiscités dont ils gèrent désormais les droits d'exploitation à l'international.

Il ne s'agit pourtant pas d'un artiste prolifique, puisqu'il n'avait produit, avant la publication du premier tome de Prophecy, que deux one-shots et une série en trois volumes. De plus, il s'agit d'un auteur controversé, certains lui reprochant la violence de ses histoires voire leur côté radical ; les critiques n'ont pas non plus été tendres avec Manhole, sa seule série "longue", considérée comme moins intéressante que ses deux one-shots malgré un traitement original du récit de contagion.
Alors, Tetsuya Tsutsui, simple phénomène déjà en bout de course ? L'homme de deux tomes et qui ne produira jamais plus rien de valable ? Le premier volume de Prophecy apporte un début de réponse.

Pour lutter contre la cybercriminalité, la police japonaise a mis en place une unité spéciale habilitée à agir sur le terrain. Si leur quotidien est fait essentiellement de petits délits, comme la mise en ligne de contenu protégé par le droit d'auteur, ils doivent désormais faire face à un nouveau problème : un mystérieux hackeur nommé Paperboy, qui se pose comme défenseur du peuple et s'arroge le droit de punir les criminels à sa façon. Dans des vidéos mises en ligne et devenues rapidement extrêmement célèbres, il annonce à l'avance qui il punira, comment, et pourquoi. Au début, tout le monde prenait cela pour un canular. Mais lorsque les prophéties commencent à se réaliser, la nouvelle brigade anti-cybercriminalité se lance sur la piste du mystérieux Paperboy.

Prophecy se place dans la même ligne directrice que les manga précédent de l'auteur : un thriller vif, sans temps mort, et captivant. Cette fois, il prend en toile de fond internet, les réseaux sociaux, mais aussi les nombreuses informations personnelles que beaucoup d'internautes dévoilent à leur sujet, et qui vont ici permettre à Paperboy d'identifier ses victimes, pour les punir de manière de plus en plus violente. Le principe ressemble un peu à celui de Reset, son second récit, où un enquêteur traquait le concepteur d'un jeu virtuel à travers son propre univers. Sauf que là où Reset s'arrêtait à un environnement ciblé, très spécifique, Prophecy joue la carte du phénomène de société, et de l'impact de Paperboy sur la population.

Comme Tetsuya Tsutsui passe pour un auteur assez superficiel qui s'intéresse surtout à l'efficacité et au rythme de son récit, utilisant l'univers qu'il crée plus comme toile de fond, difficile de savoir s'il cherche à dénoncer certaines dérives d'internet ou s'il ne s'agit pour lui que d'un moyen pour mener son histoire. De la même façon, prône-t-il la justice personnelle et la lutte contre le système comme celles exercées implacablement par Paperboy ? Impossible de le savoir, et cela n'a aucune importance chez un tel mangaka. Dans ses manga, seul importe véritablement la vivacité du scénario, l'impact provoqué chez le lecteur. Et cela fonctionne toujours aussi bien, aidé par un dessin clair et percutant.

Ce premier tome de Prophecy passe comme une lettre à la poste, mais il convient tout de même de se méfier en raison du passé de l'auteur. Ses deux manga court - Reset et Duds Hunt - sont de petites boules de nervosité d'une efficacité redoutable, tandis que le premier tome de Manhole, lui-aussi réussi, cachait un titre finalement médiocre. Tetsuya Tsutsui a-t-il appris de ses erreurs passées pour nous offrir avec Prophecy un manga qui tiendra le rythme sur plusieurs tomes, ou la série s'écroulera-t-elle en route ? Trop tôt pour le dire, mais en attendant d'obtenir une réponse définitive, les deux one-shots de l'auteur restent des lectures recommandées.

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